Un nouveau réseau de suivi des oiseaux migrateurs

Publié le 5 juillet 2013

Le suivi des effectifs des populations constitue le premier volet du programme de recherche de l’Institut Scientifique Nord-Est Atlantique initié en 2012. Au vu des enjeux résultant de l’application des directives européennes Oiseaux et Habitats, l’ISNEA s’est prioritairement focalisé sur les espèces migratrices, mais toutes espèces inféodées aux habitats de sa zone géographique d’action (Nord–Est Atlantique) sont à terme visées. Après la formation spécifique de plusieurs coordinateurs départementaux et techniciens professionnels, des protocoles rigoureux de recensement, fondés sur les méthodes de Wetlands International et du Muséum National d’Histoire Naturelle ont été mis en oeuvre. Ainsi, 55 sites spécifiques aux zones humides et quelques dizaines de points de recensement des migrateurs terrestres ont été suivis sur 9 départements de la moitié nord de la France.

Répartition des sites de dénombrements spécifiques aux migrateurs terrestres

Répartition des sites de dénombrements spécifiques aux migrateurs terrestres

Afin de correspondre au mieux aux exigences scientifiques, une évaluation de la qualité des données a été effectuée afin de gommer tout biais pouvant être lié à l’effet observateur ou à la probabilité de détection, un travail très rarement effectué, mais par lequel l’ISNEA veut être irréprochable. De plus, comme l’objectif est d’étudier l’écologie des peuplements, les suivis ont couvert toute la période d’octobre à mars. En effet, se restreindre à des dénombrements à la mi-janvier,

comme cela est traditionnellement et arbitrairement réalisé aujourd’hui, ne donne qu’une image tronquée de l’état des populations migratrices dont les effectifs, sur une zone donnée, peuvent varier en fonction de leur biologie mais également de paramètres climatiques.

Répartition des sites de dénombrements spécifiques aux zones humides

Répartition des sites de dénombrements spécifiques aux zones humides

Plusieurs centaines de milliers d’oiseaux, regroupant près de 160 espèces (chassées et protégées), ont été identifiées et dénombrées entre octobre 2012 et mars 2013. En cela l’ISNEA montre sa volonté et le besoin d’étendre l’expertise scientifique en ne se limitant pas à quelques espèces seulement.
Les 55 sites en zones humides, par exemple, couvrent ensemble près de 14 400 ha, surveillés tous les mois. Près de 60% des sites (5 500 ha) sont en réserve de (non) chasse mais 75% font l’objet d’une activité de chasse à proximité. Des analyses comparatives sur la richesse spécifique sont donc possibles tout en intégrant les interactions (exclusion, coopération, compétition) entre espèces.

Au total 371 000 oiseaux ont été dénombrés dans les zones humides, avec des effectifs maximaux constatés en décembre. Ceci remet notamment en question l’idée de considérer les effectifs de janvier comme une référence permettant d’évaluer l’état des populations comme cela est généralement admis par Wetlands International ou Birdlife International car, en effet, depuis plusieurs années et selon les espèces, c’est plutôt en décembre que l’on rencontre le plus d’oiseaux hivernant en France. 20130705093913L’ISNEA préconise donc au moins de comptabiliser les oiseaux stationnant en décembre et en janvier. A défaut, se référer uniquement aux données de janvier peut induire un biais méthodologique sérieux et aboutir à des conclusions hâtives sur des baisses des effectifs maximaux et donc à une dégradation (artificielle) de l’état des populations, alors qu’il n’en serait rien. L’un des objectifs de l’ISNEA est donc de promouvoir une approche nouvelle et plus juste d’expertise scientifique du suivi de l’état de conservation des espèces tant au niveau national que pan-européen.

Effectifs totaux dénombrés au 15 de chaque mois dans les 55 sites en zones humides du réseau ISNEA

Effectifs totaux dénombrés au 15 de chaque mois dans les 55 sites en zones humides du réseau ISNEA (toutes espèces confondues). Les valeurs indiquées dans chaque barre de l’histogramme correspondent au nombre d’espèces pour lesquelles au moins un individu a été vu.

En moyenne sur les 6 mois, la foulque macroule et le canard colvert sont les espèces les plus présentes en hivernage ce qui rejoint des données antérieures obtenues au niveau national via d’autres réseaux. Il est à noter que les 5 premières espèces, correspondant ensemble à 64 % des effectifs moyens cumulés, sont des espèces chassées.

Part relative moyenne (± SE) des espèces par rapport au total dénombré mensuellement sur les 55 sites en zones humides du réseau ISNEA

Part relative moyenne (± SE) des espèces par rapport au total dénombré mensuellement sur les 55 sites en zones humides du réseau ISNEA. Les repères en pointillés rouges correspondent aux proportions cumulées. Seules les espèces comptant pour plus de 0,01% sont représentées.

20130705094609Hormis pour la foulque macroule et le canard colvert qui sont les deux espèces les plus dénombrées et également celles présentes sur 85 à 87% des sites, la distribution des occurrences moyennes montrent que, pour les autres espèces il n’y a pas de relation nette entre leur abondance et leur distribution spatiale. Ainsi, l’huitrier-pie (3ème rang) qui compte en moyenne 6 500 individus par mois n’est observé que sur 7% des sites. Il en est de même pour le bécasseau variable (6ème rang pour les effectifs) et le courlis cendré (14ème rang) présents sur moins de 3 et 5 sites respectivement. Cela signifie clairement que si certains sites spécifiques à ces espèces ne sont pas régulièrement inventoriés, une grande partie de leurs effectifs n’est tout simplement pas comptabilisée. Par ailleurs, une analyse plus approfondie montre que, selon les sites, des espèces peuvent s’exclure mutuellement alors que d’autres coexistent ou semblent coopérer.

Occurrence moyenne ± SE (%)

Occurrence moyenne ± SE (%). Celle-ci correspond à la part relative des sites où au moins un individu de l’espèce a été vu.

Concernant les migrateurs terrestres, 444 000 individus (soit 129 espèces différentes) ont été dénombrés lors de la migration d’automne. L’étourneau sansonnet, le pigeon ramier et le pinson des arbres comptent ensemble pour 70% des effectifs vus. Une analyse comparative montre que certains sites traditionnellement recensés omettent des effectifs très importants par rapport à d’autres sites suivis par l’ISNEA (parfois d’un facteur 10 selon les jours chez l’alouette des champs). L’objectif des projets de recherche conduits par l’ISNEA est également de soulever une réflexion sur les biais méthodologiques pouvant affecter d’anciens protocoles de suivi de populations (qui font toujours foi actuellement) et ainsi d’améliorer la connaissance sur l’état réelle des populations.

Effectifs des 20 espèces les plus contactées (n> 1000 individus)

Effectifs des 20 espèces les plus contactées (n> 1000 individus)

Les enjeux en matière d’écologie et de conservation des populations sont de taille. L’ISNEA a déjà commencé par relever plusieurs défis majeurs grâce à une équipe d’experts scientifiques et techniques. Les investissements humains et financiers sont très importants mais fondamentalement nécessaires pour répondre aux objectifs de conservation de la biodiversité dans son ensemble, qui plus est dans le contexte du développement des activités humaines et des changements climatiques. La contribution de l’Institut en faveur de la recherche scientifique est donc en bonne voie et les expertises menées constitueront un atout avantageux pour la mise en œuvre des politiques environnementales futures.

Remerciements

Nous tenons à remercier chaleureusement les coordinateurs et techniciens des départements adhérents à l’ISNEA pour leur rigueur dans l’application des protocoles d’études ainsi que pour leur investissement en temps (plusieurs centaines d’heures) à identifier et dénombrer toutes les espèces.

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